Affiche_OxydantJeudi soir je me suis rendue à la première de la pièce Oxydant au TNT, dans le coeur de Nantes. La pièce est mise en scène et interprété par quatre jeunes : Vanessa Bonnet, Marwane el Boubsi, Pierre-André Gillard et Melinda Heeger. Le speech de départ semble simple. « Quatre jeunes résignés regardent la télévision. Ils attendent le Hit Machine ». En réalité, elle est plus complexe, mordante et critique qu’elle ne laisse paraitre. La scène est coupée en quatre espace. L’arrière scène : l’espace canapé. Le coté droit : le journal TV. L’espace entre la scène et le public : l’espace aparté (ou l’espace de partage). La scène : espace des scènes, des reportages théâtralisés.

La pièce s’ouvre avec l’arrivée des comédiens. Un par un, ils s’affalent sur le canapé en fond de scène. Ils semblent déroutés, ennuyés, inintéressés par le monde extérieur. La boite à image est leur seule distraction. Ils sont là, amorphes, attendant leur émission. Pour le moment, c’est la publicité qui défile sur l’écran fictif. Les acteurs nous les font partager en les imitant une à une, de la pub pour l’Orangina à celle de Mastercard en passant par celle de Quick. Des répliques que le public semble connaitre par cœur également. Preuve du pouvoir de la télévision. « En zappant tu pourrais matter des pub toute la journée » lance un des jeunes. Puis la publicité laisse place au flash info.

A tour de rôle les comédiens seront le présentateur télé et les acteurs des reportages fictifs. Le premier relate l’histoire d’un tueur fou aux États-Unis (histoire qui rappelle bien évidement les véritables tragédies qui ont eu lieu de l’autre coté de l’Atlantique). La chaine diffuse les images exclusifs de la vidéo faite par la tueur fou, deux mois avant le drame. La présentatrice ne se focalise pas sur le contenu du message. Pour elle, l’important réside dans le coté exclusif. Elle répète sans cesse les mots : première fois, inédit, exclusivité. Cette scènette met en avant l’avidité et le coté commercial du journalisme. Ils veulent être les premiers sur le coup, pour remporter des gains. Dans notre société actuelle, la chasse aux infos est très importante, peut-être plus que l’information elle-même et les chaines (ou journaux) veulent être les premiers sur les lieux, afin d’avoir la satisfaction de l’exclusivité. Et c’est ce monde télévisuel qui a fait perdre la tête à ce tueur. Accro aux films, il a trouvé le méchant héros par excellence et cherche à reproduire ce qu’il est. Il ne distingue plus la frontière entre réalité et fiction.

Le deuxième reportage met en scène un expérience scientifique : l’homme-robot. Avec un disque dur, une carte mémoire, des applications, l’homme se transforme en téléphone itech immortel.

Le troisième reportage fictif montre, à travers une caméra caché comme nous le dit le présentateur, l’univers administratif. L’équipe du journal est en immersion dans le bureau des candidats à l’immigration. Le fonctionnaire est une caricature. Il parle vite, cite des passages entier de son manuel de bonne conduite, il ne relève jamais la tête vers la candidate à l’immigration. Pour lui, cette dame en face de lui n’est qu’un numéro de dossier de plus. Il ne cherche pas à la voir, à l’entendre. Il veut simplement les papiers qu’elle doit apporter. Une véritable satire de l’administration.

La quatrième scène est plus morbide. Le stress, occasionné par les mauvaises nouvelles annoncées par les informations, est plus important chez les femmes. Une mère paranoïaque écoute les informations à la radio tout en préparant sa fille pour l’école. Plus elle entend de mauvaises choses, plus elle perd la tête. Elle voit le mal partout et semble effrayé par le monde extérieur. De cette peur découlera le geste terrible final. Sa mort et celle de sa fille. Cette scène montre toute l’ampleur que les informations peuvent avoir sur les gens. L’information fait ressortir la peur des gens, elle les rend paranoïaque et angoissé. Les informations semblent incapable de relater des faits positifs.

La pièce se termine sur une scène de débat concernant la liberté d’expression. Les quatre comédiens campent des personnages caricaturaux. Chacun développe son point de vue sans écouter celui des autres. Ils cherchent tous à avoir raison sans s’écouter, sans argumenter. Le débat n’est plus qu’un combat d’égo.

Cette pièce n’est pas comique. Cette pièce ouvre les pensées des spectateurs, elle les pousse à réfléchir sur le rôle de la télévision dans sa vie. La télévision nous manipule et nous aliène. On est pourtant conscient que la télévision ne nous rend pas plus intelligent mais pourtant, qui serait capable, à notre époque, de jeter la sienne ? Qui pourrait vivre sans elle ou sans internet ? On est conscient que la télévision nous abrutit mais on ne fait rien pour l’arrêter. On ne dit pas non. En tout cas, il ne faut pas dire non à la pièce. C’est un grand oui qu’il faut lui dire. Un grand bravo également. Pour oser une auto-critique de notre société. Pour oser dire ce que l’on pense presque tous sur la télévision et sa manipulation. Alors si vous êtes dans les coins de Nantes, la pièce se joue encore le week-end prochain (jeudi, vendredi et samedi à 19h), allez-y. Allez réfléchir sur l’aliénation de la télévision avec eux.